Annie ERNAUX (née en 1940) (61 citations).


   
La romancière Annie Ernaux (Catherine Hélie / Gallimard)

Annie Ernaux a reçu jeudi 6 octobre 2022 le prix Nobel de littérature. Elle devient la première femme parmi les 16 écrivains français à obtenir ce Prix Littéraire. L'écrivaine est par ailleurs la 17ème femme à décrocher cette récompense depuis sa création en 1901. 

Citations d'Annie Ernaux. Article publié le 01/01/2014 à 08h22 et mis à jour le 10/03/2024 à 14H44.
   
Conseils de lecture des essais d'Annie Ernaux : Regarde les lumières mon amour ; Le vrai lieu.

"On n'écrit pas de la même manière quand on est issu d'un milieu populaire ou au contraire, privilégié. Cela reste sans doute une des plus fortes composantes de l'écriture." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 58).

"Il m'arrachait à ma génération mais je n'étais pas dans la sienne." (Annie Ernaux In Le Jeune homme.- Paris : Gallimard, 04/2022, p. 17).

"Le travail n'avait pour lui pas d'autre signification que celle d'une contrainte à laquelle il ne voulait pas se soumettre si d'autres façons de vivre étaient possibles." (Annie Ernaux In Le Jeune homme.- Paris : Gallimard, 04/2022, pp. 19-20).

"Avoir un métier avait été la condition de ma liberté, le demeurait par rapport à l'incertitude du succès de mes livres, même si je convenais que la vie étudiante m'avait paru plus riche et plaisante." (Annie Ernaux In Le Jeune homme.- Paris : Gallimard, 04/2022, p. 20).

"J'aimais me penser comme celle qui pouvait changer sa vie." (Annie Ernaux In Le Jeune homme.- Paris : Gallimard, 04/2022, p. 24).

"On était en automne, le dernier du vingtième siècle. Je me découvrais heureuse d'entrer seule et libre dans le troisième millénaire." (Annie Ernaux In Le Jeune homme.- Paris : Gallimard, 04/2022, Dernière phrase).

"J'écris des livres. Je n'ai pas l'impression qu'ils épuisent ce que j'ai vécu. D'abord parce que le temps continue à modifier les choses. C'est à dire que les livres que j'ai écris, je ne pourrai pas les réécrire." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"Le pouvoir des mots. Un mot peut vous faire honte. Les mots vous blessent. Vous tuent littéralement. Ou au contraire, ils vous enchantent. Des mots qui ne vous sont pas forcément adressés. Mais qui vous restent." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"On est fait de mots qui vous traversent." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"Ma sœur, c'était la parole interdite. Et il était impossible de franchir cet interdit." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"Le livre est déjà une forme. On voit bien dans l'Atelier noir que je la cherche. Je ne fais que cela de la chercher." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"A certains moments, l'écriture, c'est vraiment l'enfer. A tel point de se dire que cela ne vaut pas la peine de vivre si je ne trouve pas." (Annie Ernaux extrait de l'Emission La Grande Librairie animée par François Busnel et diffusée sur France 5 le 04/05/2022).

"Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L'écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j'utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, p. 24, Folio : 1722).

"Bien que les maisons soient isolées les unes des autres par des haies et des talus, rien n'échappait au regard des gens, ni l'heure à laquelle l'homme était rentré du bistrot, ni la semaine où les serviettes hygiéniques auraient dû se balancer au vent." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, pp. 26-27, Folio : 1722).

"Mon père manquait la classe, à cause des pommes à ramasser, du foin, de la paille à botteler, de tout ce qui se sème et se récolte." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, p. 29, Folio : 1722).

"Quand je lis Proust ou Mauriac, je ne crois pas qu'ils évoquent le temps où mon père était enfant. Son cadre à lui c'est le Moyen Age." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, p. 29, Folio : 1722).

"Des épaisseurs de silence me tombaient dessus." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, p. 41, Folio : 1722).

"Dans la vallée, les brouillards d'automne persistaient toute la journée. Aux fortes pluies, la rivière inondait la maison." (In La Place / Annie Ernaux.- Paris : Gallimard, 1986, p. 44, Folio : 1722).

"[...] Ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j'ai vécu aussi. Et l'on n'y prenait jamais un mot pour un autre." (Annie Ernaux In La Place.- Paris : Gallimard, 1986, p. 46, Folio : 1722).

"J'ai longtemps séparé les plaisirs de la vie, des sens, et les plaisirs de l'esprit alors que, en réalité, ils ont toujours marché ensemble pour moi dès l'enfance." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 27).

"Il y a tellement de choses dans l'écriture. Ce n'est pas intéressant de chercher d'où vient l'écriture, je ne crois pas. Ce qui est intéressant, c'est ce qu'on écrit." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 32).

"Il y a plein de secrets dans une vie, l'écriture tourne autour, on y entre, ou jamais." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 36).

"Le secret, c'est une forme de tranquillité. Je ne peux pas m'imaginer sans le secret sur ma soeur, ni sans les secrets entre ma mère et moi. C'est une façon d'exister. Dans les choses tues. Je sais que ce n'est plus considéré comme étant la bonne manière de vivre mais les révélations sont souvent très destructrices aussi." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 44).

"Je suis certaine qu'une grande partie de mes modèles et de mes règles morales m'est venue de la lecture, par l'identification à des héroïnes." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 52).

"C'est un lieu, l'écriture, un lieu immatériel. Même si je ne suis pas dans l'écriture d'imagination, mais l'écriture de la mémoire et de la réalité, c'est aussi une façon de m'évader. D'être ailleurs." (Annie Ernaux In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 65).

"J'ai cette certitude que les choses qui m'ont traversée ont traversé d'autres gens. Ca me vient de la lecture, du fait que dans la littérature j'ai trouvé des choses pour moi. Dans Proust, dans Georges Perec. Des choses qui font que l'on se dit, que l'inconscient dit : "Moi aussi." Et la lumière se fait en soi." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 74).

"Ecrire, ce n'est pas laisser sa trace en tant que nom, en tant que personne. C'est laisser la trace d'un regard, d'un regard sur le monde." (In Le vrai lieu / Annie Ernaux ; entretiens avec Michelle Porte.- Paris : Gallimard, 2014, p. 76).

"On regardait ensemble la devanture du libraire de la place des Belges, parfois elle proposait "veux-tu que je t'en achète un ?". Pareil qu'à la pâtisserie devant les meringues et les nougatines, la même impression aussi que c'était pas très raisonnable." (Annie Ernaux In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, p. 25, Folio : 1818).

"Elle me disait les yeux brillants : "c'est bien d'avoir de l'imagination", elle préférait me voir lire, parler toute seule dans mes jeux, écrire des histoires dans mes cahiers de classe de l'année d'avant plutôt que de ranger ma chambre et broder interminablement un napperon. Et je me souviens de ces lectures qu'elle a favorisées comme d'une ouverture sur le monde." (Annie Ernaux In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, p. 27, Folio : 1818).

"Les hommes remuent le monde, le font trépider autour de mes dix ans. Ils construisent des routes, réparent des moteurs tandis que les femmes ne font que des petits bruits à l'intérieur des maisons, le balai cogne les plinthes, la machine à coudre murmure." (In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, p. 49, Folio : 1818).

"Moi, je descends vers les lieux mouvants, vivants, les lieux à rencontres, salles de cours, cafés de la gare, bibliothèque, cinémas et je retourne au silence absolu de ma chambre. Alternance merveilleuse." (Annie Ernaux In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, p. 111, Folio : 1818).

"Est-ce que tu comptes te marier ? La désolation de mes parents devant une situation incertaine, "on aimerait bien savoir où ça va te mener tout ça." Obligé que l'amour mène quelque part. Leur peine sourde aussi. Ce serait tellement plus agréable, plus tranquille pour eux de voir se dérouler l'histoire habituelle." (In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, p. 121, Folio : 1818).

"Depuis le début du mariage, j'ai l'impression de courir après une égalité qui m'échappe tout le temps." (In La femme gelée. Paris : Gallimard, 1981, pp. 166-167, Folio : 1818).

"Qu'est-ce que je préférais, des bons résultats scolaires ou un joli corps, les deux c'est trop demander, faut pas tout vouloir dans la vie, quand ça pousse trop bien au-dehors, ça doit tirer sur l'intelligence, même les profs se méfient des nénettes trop bien." (In Ce qu'ils disent ou rien. Paris : Gallimard, Folio, 1977, p. 16).

"J'ai regretté d'avance ce qui ne se passerait jamais." (In Ce qu'ils disent ou rien. Paris : Gallimard, Folio, 1977, p. 117).

"L'idée que je pourrais mourir sans avoir écrit sur celle que très tôt j'ai nommée "la fille de 58" me hante. Un jour il n'y aura plus personne pour se souvenir." (In Mémoire de fille. Paris : Gallimard, 2016, p. 18).

"Son besoin de lui, de le laisser maître de son corps la rend étrangère à tout sentiment de dignité." (In Mémoire de fille. Paris : Gallimard, 2016, p. 54).

"J'ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour." (In Mémoire de fille. Paris : Gallimard, 2016, p. 143).

"Il y a ce mot de Nietzsche que je trouve si beau. Nous avons l'Art pour ne point mourir de la vérité." (In Mémoire de fille. Paris : Gallimard, 2016, p. 147).

"Souvent, j'avais l'impression de vivre cette passion comme j'aurais écrit un livre : la même nécessité de réussir chaque scène, le même souci de tous les détails." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 23).

"Je mesurais à chaque instant l'à-peu-près des échanges de paroles." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 36).

"J'avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu'on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l'homme qu'on aime est un étranger." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 36).

"Je vivais le plaisir comme une future douleur." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 45).

"Durant cette période, toutes mes pensées, tous mes actes étaient de la répétition d'avant. Je voulais forcer le présent à redevenir du passé ouvert sur le bonheur." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 58).

"Tout en sachant qu'à l'inverse de la vie, je n'ai rien à espérer de l'écriture, où il ne survient que ce que l'on y met." (In Passion simple. Gallimard, 1991, p. 69).

"Un peu plus loin, dans l'espace librairie, une seule cliente. [...]. A chaque fois que je m'y aventure, j'en ressors triste et découragée. [...]. Le choix proposé obéit à un seul critère, le best-seller. Les meilleures ventes s'affichent sur 3 mètres de large, numérotées de 1 à 10, en chiffres énormes, comme aux courses de chevaux à Longchamp. Ce qu'on peut désigner par le terme de littérature n'occupe qu'une portion congrue de cet espace." (Annie Ernaux In Regarde les lumières mon amour, p. 18).

"Dans le monde de l'hypermarché et de l'économie libérale, aimer les enfants, c'est leur acheter le plus de choses possibles." (Annie Ernaux In Regarde les lumières mon amour, p. 28).

"Perversion du système des caisses automatiques, l'irritation que suscite une caissière jugée lente se déplace sur le client"." (Annie Ernaux In Regarde les lumières mon amour, p. 36).

"De plus en plus sûre que la docilité des consommateurs est sans limites." (Annie Ernaux In Regarde les lumières mon amour, p. 36).

"Œufs de Pâques à gogo. Déjà. J'avais oublié. Les grandes surfaces n'oublient rien. Les maillots de bain sont sans doute dans des caisses, prêts à être déballés, comme les cadeaux pour la fête des Mères. Les instances commerciales raccourcissent l'avenir et font tomber le passé de la semaine dernière aux oubliettes." (In Regarde les lumières mon amour, p. 55).

"Rendez votre vieux cartable et recevez un chèque de dix euros, à valoir, comme il se doit, sur un nouveau acheté. Jamais trop tôt pour inculquer aux individus la valeur du nouveau, tout beau on le sait, au détriment de la valeur d'usage." (In Regarde les lumières mon amour, p. 64).

"Indifférent aux peurs xénophobes d'une partie de la société, l'hyper s'adapte à la diversité culturelle de la clientèle, suit scrupuleusement ses fêtes. Aucune éthique là-dedans, juste du "marketing ethnique"." (In Regarde les lumières mon amour, p. 65).

"Chaque fois que je cesse de consigner le présent, j'ai l'impression de me retirer du mouvement du monde, de renoncer non seulement à dire mon époque mais à la voir. Parce que voir pour écrire, c'est voir autrement." (Annie Ernaux In Regarde les lumières mon amour, p. 71).


"A quelques hommes, plus tard, j'ai dit : "mon père a voulu tuer ma mère quand j'allais avoir douze ans." Avoir envie de dire cette phrase signifiait que je les avais dans la peau. Tous se sont tus après l'avoir entendue. Je voyais que j'avais commis une faute, qu'ils ne pouvaient recevoir cette chose-là." (In La honte, p. 16).

"Parler bien suppose un effort, chercher un autre mot à la place de celui qui vient spontanément, emprunter une voix plus légère, précautionneuse, comme si l'on manipulait des objets délicats." (In La honte, p. 54).

"Ici, rien ne se pense, tout s'accomplit." (In La honte, p. 59).

"Etre comme tout le monde était la visée générale, l'idéal à atteindre." (In La honte, p. 66).

"Il me semble que je cherche toujours à écrire dans cette langue matérielle d'alors et non avec des mots et une syntaxe qui ne me sont pas venus, qui ne me seraient pas venus alors. Je ne connaîtrai jamais l'enchantement des métaphores, la jubilation du style." (In La honte, p. 69).

"J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable." (In La honte, p. 132).

"Je sentais que le rêve "d'écrire sur le rien", la littérature comme recherche d'une intériorité ou expression d'une étrangeté métaphysique ne seraient plus jamais de mise pour moi." (In Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française : par eux mêmes dirigé par Jérôme Garcin. Ed. Mille et une nuits, 2004, p. 161).

"J'ai tendance à mesurer la littérature à son degré de dérangement." (In Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française : par eux mêmes dirigé par Jérôme Garcin. Ed. Mille et une nuits, 2004, p. 162).

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